À l'heure où l'IA entre en grande pompe au gouvernement - dans le giron de Clara Chappaz - et où innovation doit faire tout son possible pour rimer avec transition écologique, on n'a pas pu s'empêcher de zieuter sur le tout dernier avis publié par le CESE (Conseil économique, social et environnemental) autour des "impacts, risques et opportunités de l'IA pour l'environnement". On vous en dit plus sur les préconisations adoptées par le CESE pour orienter l'IA vers une approche plus éco-responsable et en faveur de l'environnement.
IA et environnement : vers un mariage réussi ?
La question posée en plénière par le CESE le 24 septembre dernier est simple : l'IA est-elle une opportunité ou un risque pour l'environnement ? Un peu des deux, me direz-vous... Alors comment tirer parti des bénéfices que peut apporter l’IA pour optimiser les ressources et s’adapter aux conséquences du changement climatique, tout en limitant l'empreinte de ces systèmes de calcul ultra-énergivores ?
L'IA générative, à la fois problème et solution
Depuis l’arrivée de ChatGPT en 2022, l’IA générative a pris une place grandissante dans nos vies personnelles et professionnelles, et fait déjà ses preuves au niveau environnemental, notamment dans certains domaines : gestion du trafic, chauffage des bâtiments, surveillance de la qualité de l'air ou encore gestion des déchets. Grandes vedettes de la COP28 en 2023, les technologies d'intelligence artificielle ont même été reconnues comme des outils clés pour la lutte contre le changement climatique. Si l'on en croit le Boston Consulting Group et certains GAFAM, elles pourraient même aider à réduire d’un dixième de l’ensemble des émissions de gaz à effet de serre d’ici à 2030. Et parmi les risques ? Rien de moins que l’extinction de l’humanité, selon des créateurs de l’IA.
La crainte d'un effet rebond
En effet, cette expansion massive de l'IA soulève de nombreuses inquiétudes sur l’impact environnemental de l'IA. Bien qu'elle ne représente encore qu'une faible part de la consommation électrique mondiale (0,03 % d'après l'Agence internationale de l'énergie), les IA génératives, qui nécessitent des quantités importantes d’électricité, d'eau et de métaux rares, risquent de faire grimper leur empreinte écologique. De plus, l'impact ne se limite pas à leur usage : toutes les étapes de leur cycle de vie – fabrication, distribution, recyclage – ont aussi des effets non négligeables sur l’environnement. Le CESE souligne également le risque d’un « effet rebond » : les gains d'efficacité énergétique permis par l'IA pourraient, paradoxalement, encourager une utilisation accrue de cette technologie, réduisant ainsi ses bénéfices écologiques.
Sam Altman, fondateur d'OpenAI, reconnaissait lui-même cette réalité à Davos en janvier 2024 : « Il est tout à fait juste de dire que l'IA va avoir besoin de beaucoup plus d'énergie. » Quelques mois plus tard, Sundar Pichai, PDG de Google, expliquait que la demande de calcul informatique liée à l’IA a été multipliée par un million en six ans et continue de croître de manière exponentielle chaque année.
Vers une « Green IA » et une « IA for Green »
C'est donc la même rengaine qui se joue dans le vaste monde du numérique : de la tech, oui, mais pas à n'importe quel prix environnemental. L'IA est là, avec ses menaces et opportunités, et nous devons en faire quelque chose de bien.
Formation : intégrer des critères d’éco-conception dans la formation des futurs développeurs IA afin de minimiser l’impact environnemental de leurs créations.
Recherche : orienter les financements publics vers des IA spécifiquement conçues pour des objectifs environnementaux et vers des systèmes plus économes en ressources.
Évaluation : développer des outils pour mesurer l'empreinte écologique des IA et exiger la transparence des entreprises sur leur consommation de ressources.
Information et sensibilisation : lancer des campagnes pour informer le public sur l’impact de l’IA et donner aux utilisateurs le pouvoir de limiter l’usage de ces technologies quand elles ne sont pas essentielles.
Éco-conception : promouvoir l’éco-conception des équipements technologiques, qui sont souvent rapidement renouvelés en raison de l'évolution des technologies IA.
Centres de données : encourager l’implantation de centres de données sur des sites déjà existants et favoriser la récupération de la chaleur qu’ils émettent pour la réutiliser dans d’autres infrastructures.
Clara Chappaz aux manettes
Lors de cette séance plénière, Clara Chappaz, fraîchement nommée Secrétaire d’État chargée de l'Intelligence Artificielle et du Numérique, a prononcé sa première intervention à ce poste, soutenant l'avis du CESE pour faire coïncider le développement de l'IA avec des objectifs écologiques ambitieux. "L'IA est avant tout un sujet d'excellence pour la France. Nous avons réussi à briller et à montrer prouvé que nous pouvions mettre la recherche, nos ingénieurs, les talents de nos entrepreneurs, et toute la société civile au profit de la création de ces innovations, comme celle de l'IA. Mais c'est aussi un sujet de grande préoccupation. Je n'aurai peut-être qu'une seule obsession, en prenant ces fonctions : c'est de ne pas faire de cette intelligence artificielle seulement un objet de fierté. De ne pas faire de cette IA une nouvelle technologie dont toutes et tous nous avons besoin, mais être attentive au fait que ce ne soit pas un objet de fracture numérique. Etre attentive au fait que l'IA sera au service de toutes et tous, et non pas d'un certain nombre de citoyens [...]. Et pour se faire, je suis convaincue qu'il faut avancer tous ensemble, en associant avant tout les citoyennes et citoyens pour mettre en place des pistes de réflexion, pour réfléchir ensemble à trouver des solutions".