Quelle édition que ce SIGGRAPH 2024 ! Et pourtant, tout n’avait pas commencé sous les meilleurs auspices. Entre une nouvelle destination (Denver) qui en laissait plus d’un dubitatif, des dates compliquées (en plein pendant la première semaine des JO !), l'“attaque massive” contre la SNCF et la panne d'ampleur de Microsoft, qui ont bien failli clouer au sol certains de nos exposants et membres de l’équipe... À bien des égards, ce cru 2024 du SIGGRAPH ne s’annonçait pas comme un millésime remarquable.
C’était sans compter sur la magie SIGGRAPH. Cette alchimie unique faite de passion, de science, de nouveauté et de joie de retrouver une communauté vibrante. 9 000 visiteurs se sont rendus à Denver pour cette 51e édition. De la Romance Jensen - Zuckerberg aux démos avant-gardistes tout juste sorties des laboratoires de recherche. De la moisson de médailles et prix des acteurs tricolores jusqu’au duo de choc IA & OpenUSD. En passant par quelques-uns des moments inattendus et décalés qui font le charme de cet événement à nul autre pareil. On vous partage ce qu’il fallait retenir de ce rendez-vous mondial de l’informatique graphique et de l’immersif.
En route pour Denver, Colorado.
Des IA génératives adaptées à la création
Cette année, le fabricant de processeurs Nvidia avait décidé de mettre en lumière deux sujets au cours des conférences du SIGGRAPH 2024 : l’USD et l’IA Générative. L’entrée en matière fut spectaculaire avec l’échange de vestes entre Jensen Huang et Mark Zuckerberg, respectivement CEO de Nvidia et Meta, lors de la conférence précédant l’ouverture de l’Exhibition Floor et deux journées de conférences consacrées à ces sujets. Derrière cette démonstration ostentatoire entre le géant des cartes d’accélération et celui des plateformes digitales et de l’IA générative désormais, il fallait lire également d’importants investissements de Meta dans les cartes Nvidia de dernière génération pour ses datacenters (600 000 cartes H100 GPU).
📸 L’échange de vestes entre Jensen Huang et Mark Zuckerberg, l’une des séquences les plus commentée du SIGGRAPH (et on se demande encore lequel des deux étaient le plus fier de se glisser dans le costume de l'autre...)
Dans la foulée de ces keynotes d’ouverture, Nvidia organisait un « Generative AI Day » regroupant les leaders de l’industrie dans ce domaine appliqué aux computer graphics. L’occasion d‘explorer des solutions de pointe destinées aux effets visuels, à l’animation et au développement de jeux avec des dirigeants de Bria AI, Cuebric, Getty Images, Replikant, Shutterstock et d’autres. Cette journée, consacrée à l’IA Générative, mit également en exergue des visions parfois contradictoires sur les usages émergents de l’IA générative au sein des processus créatifs de contenus 3D.
Ainsi, Dade Oregon, le VP Innovation de Shutterstock, au travers des nouveaux outils de génération de modèles 3D que proposait son entreprise, insistait sur la productivité de l’IA générative, en comparant la durée de conception manuelle d’un modèle 3D : 40 minutes de travail sur 8 GPU pour un process “traditionnel”, contre 2 minutes et seulement un GPU pour la production d’une image similaire avec une IA entraînée sur la banque d’images 3D de Shutterstock. Immédiatement après cette intervention, c’est Kimbal Turston, CEO Weta FX qui remettait, si l’on peut dire, “les pendules à l’heure” en expliquant qu’il est, « très difficile de capitaliser sur les assets 3D d’une production de films à l’autre, afin de faire travailler les IA dans le sens du désir d’un réalisateur. Si l’IA générative s’impose dans les workflows des effets visuels numériques, elle doit être adaptée à des contraintes liées à l’histoire, aux nombreuses itérations souvent nécessaires au cours d’un film et à l’univers visuel spécifique d’un réalisateur. Ce qui induit de petits modèles de langage, spécialisés, un entraînement sur des données propres à chaque œuvre et une prise en compte de la dimension artistique ».
L’USD étend sa toile
Concernant l’USD (Universal Scene Description), ce Framework open source créé par Pixar et aujourd’hui adopté par des acteurs incontournables de l’industrie de la 3D, pas de place à la controverse sur ce SIGGRAPH 2024. Grâce à ses capacités d’extension et de collaboration non destructives, l’OpenUSD fait l’unanimité, dans la mesure où il accélère les flux de travail et offre une interopérabilité inégalée dans la création de contenus 3D. L’Alliance for OpenUSD (AOUSD), cofondée l’an passé par NVIDIA, Pixar, Adobe, Apple et Autodesk (rejoints depuis par DigitalFish, Hunan Mango IT, Microsoft, Shutterstock, Sony et Sunvega IT), avait d’ailleurs décidé de profiter du SIGGRAPH 2024 pour promouvoir de plusieurs manières ce format lors d’une journée qui lui était spécialement consacré.
Nvidia Labs donnait des cours sur la manière d’échanger des données issues d’un workflow OpenUSD avec d'autres sources de données ou encore sur la façon de configurer une application immersive pour Apple Vision Pro et compatible avec OpenUSD. De même, le fabricant de processeurs annonçait des modèles d'IA générative et des microservices NIM compatibles USD, dans le but de favoriser l’accélération de la conception de jumeaux numériques industriels, mais aussi d’environnements 3D ouverts dans le domaine de l’entertainment. D’ailleurs, l’éditeur de jeu vidéo Activision profitait de cet emballement sur l’USD pour annoncer la mise à disposition, dans le cadre d’usages non-commerciaux, d’une carte complète de l’île de Caldera (compatible OpenUSD), issue du jeu Call of Duty : Warzone. Cet important dataset 3D normalisé contient la géométrie presque complète de Caldera (5 millions de Mesh) ainsi qu'un échantillon de l’évolution anonymisée des joueurs qui ont parcouru cet univers 3D.
La France brille à tous les étages
Cette année, le Pavillon France a fait les choses en grand. Avec un stand de 600 pieds carrés (soit 20% de plus que l’année dernière, à Los Angeles), situé en plein cœur de l’exhibition floor, à la croisée des deux allées principales, la 'French island’ n’a pas failli à sa réputation et a tenu le rang de la France au SIGGRAPH : le premier pays étranger le plus représenté en nombre d’exposants (10 exposants sur les 111 exposants du show – dont 58 rien que pour les USA). Parmi eux, citons deux acteurs reconnus des VFX et de l’animation : Golaem(qui a, dès la clôture du SIGGRAPH, annoncé son rachat par Autodesk) et Mercenaries Engineering (éditeur des logiciels Rumbaet Guerilla Render). Mais aussi TechVizet Lynx Mixed Reality, qui se sont distingués dans le domaine de la réalité virtuelle et de la réalité mixte. Chat3D(Text-to-3D) et Enginn Technologies (Générateur de voix), les deux players de l’IA. Et, last but not least, Eclairion, le provider de calcul haute densité pour l’IA et l’informatique graphique (entre autres).
Mais la France a également rayonné au-delà du salon ! Côté conférences, plus de 60 chercheur.ses issu.es d’universités et centres de recherches tricolores ont présenté leurs travaux aux Technical Papers. Ainsi, le chercheur-artiste Gaëtan Robillard s’est vu décerner le prix du Best Art Paper pour son œuvre ‘Critical climate machine’. Enfin, les étudiant.es des écoles d’animation françaises ont, une fois de plus, brillé à l’Electronic Theather (la compétition des meilleurs films d’animation - voir ci-dessous).
📸 Les membres de la Délégation France, réunie sur le Pavillon tricolore, à la clôture du salon
Electonic theater : l’irrésistible ascension des étudiants français
Autre temps fort du SIGGRAPH : les projections de l’Electronic Theater, la vitrine des films d’animation les plus créatifs ! Et dans le domaine, les étudiant.es des écoles françaises d’animation et VFX ont, une fois de plus, su tirer leur épingle du jeu. Parmi les 21 films diffusés en sélection officielle, 6 sont issus d’écoles françaises (4 de Mopa et 2 de l’Ecole des Nouvelles Images). Et c’est d’ailleurs After Grandpa, un court-métrage réalisé par les étudiants de Mopa (Juliette Michel, Swann Valenza, Florian Gomes Freitas, Axel Sence, et Victoria Leviaux) qui remporte cette année le Best Student Project Award.
Un succès qui traduit une tendance forte, car, comme le rappelle notre ancien collègue Stéphane Singier (qui s’appuie lui-même sur des données collectées par Pierre Hénon depuis des années), lenombre de films français sélectionnés au SIGGRAPH n’a fait qu’augmenter depuis 40 ans, en passant de moins de 5% en 1983 à 33% aujourd’hui.
Emerging technologies : plus d’haptique, moins d’interface
C’est, pour beaucoup, l’un des tracks les plus passionnants du SIGGRAPH : Emerging Technologies (‘E-Tech’ pour les intimes) est le lieu où se testent les innovations parmi les plus impressionnantes du salon et tout droit sorties des laboratoires de recherche. Dans le foisonnement des projets présentés, on note une très forte tendance autour de l’haptique et la volonté de créer de nouvelles expériences immersives pluri-sensorielles et où s’effacent au maximum les interfaces ! Nos coups de cœur :
une cabine holographique signée Google pour des visioconférences plus vraies que nature ;
Haptoroom, un plancher haptique pour une balade virtuelle en forêt ou sur la plage ;
SkillPicker, la « pince augmentée » qui booste votre dextérité et précision pour vos manipulations les plus délicates ;
KineSway, la simulation haptique totalement bluffante qui modifie les sensations de balancement et inclinaisons du sol ;
FIRE, la boite qui simule la chaleur de la flamme grâce aux ultrasons.
Feeltech Wear, un gant haptique particulièrement léger puisqu'il ne nécessite que deux capteurs placés au bout des doigts et une unité de contrôle placée derrière la tête. Ce projet a reçu le Laval Virtual Award @SIGGRAPH et sera donc présenté lors du prochain Laval Virtual, en avril 2025.
Exhibition Floor : l'innovation vibre dans les allées
Au-delà des exposants regroupés sur le Pavillon France, deux autres sociétés tricolores étaient présentes sur le SIGGRAPH 2024 comme Reemo, spécialiste de la “Remote production” de contenus 3D ou la société franco-canadienne 3dverse, spécialiste des applications 3D temps réel dans le cloud. Dans les allées, on retrouvait bien entendu les traditionnels éditeurs anglo-saxons comme Autodesk ou Maxon, mais surtout, tout comme pour les Technical Papers, une forte présence de nouveaux acteurs chinois du Computer Graphics et de l’IA Générative.
Parmi eux, citons la plateforme de création Style3Dcrée en 2015, qui s’enorgueillissait sur son stand, d’avoir pu présenter près d’une dizaine de Technical Papers. En effet, cette plateforme de création de modèles de vêtements en 3D et de la stylisation de ceux-ci, destinée au marché de la mode, vient d’intégrer une série de fonctionnalités évoluées liées à l’IA permettant à ses quelques 2 000 clients de se servir de l’IA générative pour réaliser des collections complètes de vêtements et les animer, du brief, jusqu'au rendu 3D et l’animation.
De même, au détour des allées, on découvrait de jeunes sociétés chinoises comme Rendoraqui propose de créer des studios de télévision en 3D et des journalistes virtuels en quelques minutes, grâce aux techniques du text-to-3D, text-to-voice, text-to-animation, text-to-CameraMovement, Image-to-3Davatar, etc. Les dirigeants de cette société nous assuraient même que la chaîne nationale chinoise CCTV était en train d’adopter ce genre de technique au sein de sa programmation.
Autre exemple d’innovation reposant sur l’IA et les prompts pour générer des objets 3D allant jusqu’à un mesh3D (maillage polygonal) réutilisable par un infographiste professionnel, la société Deemos Tech remportait même cette année le prix du Technical Paper du SIGGRAPH 2024 avec sa technologie baptisée CLAY-Controllable Large-scale Generative Model for Creating High-quality 3D Assets (voir vidéo explicative sur Youtube).
Les outils de scans d’objets 3D étaient aussi en pointe lors de ce SIGGRAPH 2024. HP et Adobe faisaient notamment l’attraction avec son HP Z Captis, un étrange cône très bien “designé” qui risque d’améliorer grandement le quotidien des créateurs d’images 3D travaillant sur des textures complexes. Ce cône permet en effet de capturer les textures en volume de matériaux d’une manière très contrôlée jusqu’au 8K, et ensuite de retravailler ses textures directement dans le logiciel Substances d’Adobe. Cette boîte “noire” qui intègre un PC et un système d’éclairage calibré est vendue autour de 20 k€ et est le fruit d’une collaboration entre HP et Adobe, notamment au travers du travail des équipes d'Allegorithmic (qui ont rejoint le groupe Adobe en 2019).
Dans un registre proche, c’est la société thaïlandaise Lumio3D qui montrait sur le SIGGRAPH 2024, un dôme destiné à scanner un visage à 180 degrés en quelques secondes seulement avec une qualité suffisante pour pouvoir ensuite animer de manière photo-réaliste le visage.
Enfin, parmi les surprises rafraîchissantes du Convention Center de Denver, nous avons été séduits par la démarche de la société Mythicaqui montrait pour la première fois aux professionnels sa plateforme d’IA Générative d’environnements naturels en 3D (forêts, champs, saisons...). Cet outil de génération de modèles 3D et de simulations, basé sur l’IA, est entièrement opensource et destiné à favoriser la création d’environnements naturels numériques au sein d’un public de designers graphiques 3D travaillant pour le secteur de l’animation, de la XR ou du jeu vidéo.
En bref (et en décalé)
Luxuriante pour Mythica au jardin botanique, frénétique chez Rendermann avec la distribution de 1000+ teapot, éclectique chez Adobe – Substance avec un focus sur le tout nouveau scanner de matériaux et texture "Captis” de Z HP (lire ci-dessus), etc. Une fois encore, lessoirées ont révélé toutes les saveurs du SIGGRAPH.
‘Do you have any 'baguette' ribbons left?’ - ce fut de loin la phrase la plus entendue sur le Pavillon France. Et pour cause, nos rubans “Baguette”, à coller sous son pass SIGGRAPH aux côtés des autres ribbons traditionnels, a connu un succès phénoménal dans les allées. Le SIGGRAPH aime la France, et nous le rend bien !
Enfin, on s’en voudrait de ne pas partager avec vous SpamBots, l’œuvre absurde et poétique exposée dans la Art Gallery. On y découvre une poignée des célèbres boites Spam qui, par le truchement du machine learning, nous raconte d’improbables histoires.
Pour encore plus de décryptage des tendances et nombreuses innovations présentées au SIGGRAPH 2024, on vous recommande chaudement de lire les articles et regarder les vidéos réalisés par nos amis et partenaires de 3DVF > c’est par ici
Et pour prolonger le SIGGRAPH, on organisera prochainement une soirée spéciale Back from SIGGRAPH> plus d’infos à venir à la rentrée, stay tuned.
Et voilà pour le SIGGRAPH. On vous emmène où la prochaine fois ?
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